Le lac Kibu va exploser!

Depuis mon arrivée à Gisenyi, j’ai entendu cette phrase plusieurs fois, à la fois  dans la bouche des touristes, mais aussi dans celle des Rwandais. La raison pour laquelle le lac Kivu cause une si grande crainte : il contient une quantité importante de gaz méthane. Mais dressons d’abord un portrait du lac Kivu.

Le lac Kivu a été formé il y a environ un à cinq millions d’années. Il a une surface de 2 370 km2, une profondeur maximale de 485 mètres, un volume de 560 km3 et il est à une altitude de 1 463 mètres. Il est situé dans le Grand Rift Est-Africain et les pays riverains sont la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Trente et une espèces de poissons vivent dans le Kivu. Le plus connu est sans nul doute l’Isambaza (sardine du Tanganyika), introduit dans les années soixante, dans une zone déserte. Il est une source de protéines pour la majorité des riverains et il soutient une industrie de pêcherie locale et traditionnelle.

Lac Kivu, Rwanda

Les touristes peuvent se baigner en toute sécurité dans le lac Kivu, car il n’y a aucun crocodile, ni aucun hippopotame dans ce beau lac et son eau se maintient à une température annuelle entre 23°C à 27°C. Il est possible également d’y pratiquer des sports nautiques tels que le kayak, la planche à voile, le catamaran et la moto marine.

Pêcheurs de Isambaza sur le lac Kivu

Maintenant, faisons un peu de chimie. Le lac Kivu contient 80% de dioxyde de carbone (CO2) et 20% de méthane (CH4). Comme dans une bouteille de boisson gazeuse, le gaz crée une pression. Bien que le CO2 est beaucoup plus présent que le CH4, c’est ce dernier qui cause une grande pression. Les deux gaz sont dilués dans l’eau du lac Kivu. La plus grande concentration est située à environ 260 mètres de profondeur. Pour les amateurs de plongée, vous savez que l’eau exerce également une grande pression. Bien que la pression du CH4 soit très importante, celle de l’eau est plus forte. Aussi, le gaz méthane reste « pris » sous l’eau.

Donc, pourquoi les gens ont-ils peur d’une explosion? En 1986, au Cameroun, une explosion gazeuse a eu lieu au Lac Nyos, tuant 1 800 personnes et tous les animaux par asphyxie dans un périmètre de 30 km autour du lac. Le gaz méthane qui était dans l’eau est devenu plus fort et, tel une bouteille de champagne, a jailli des eaux du lac créant une explosion gazeuse qui a projeté dans les airs une colonne d’eau à une hauteur dépassant 80 m. L’énorme quantité de gaz carbonique libéré, étant plus dense que l’air, a ensuite été dispersée dans les vallées avoisinantes en asphyxiant toute forme de vie. Depuis cette explosion, une procédure d’extraction a été mise en place, qui recrée artificiellement une « explosion ».

 Extraction au lac Nyos, Cameroun

Mais qu’en est-il du lac Kivu? En 2006, le Ministère rwandais des Infrastructures a créé le programme de surveillance du Lac Kivu afin d’assurer une exploitation sûre et respectueuse de l’environnement. En 2011, celui-ci a été transféré à Energy and Water Sanitation Authority (EWSA), une entreprise distribuant eau et électricité au Rwanda. Les objectifs du programme sont de surveiller les principaux risques liés à l’extraction du méthane (détérioration de la stabilité du lac et de son écosystème) et de développer un cadre institutionnel pour la gestion bilatérale de la ressource en méthane.

Depuis, des stations pilotes ont vu le jour afin d’exploiter le gaz méthane dans le lac Kivu. La station Kibuye Power Ltd (KP1) a généré 1.5 MW d’électricité depuis octobre 2008. The Rwandan Energy Company (REC) a été testée avec succès en avril 2010 atteignant 2.4 MW. Cette station a été conçue par la compagnie française Data Environment. Finalement, le projet Kivuwatt construit actuellement une station pilote de 25 MW à Kibuye et devrait produire de l’électricité à partir de fin 2012.

Extraction du gaz méthane dans le lac Kivu

La Banque africaine de développement a approuvé un prêt de 25 millions de dollars américains pour financer le projet Kivuwatt au Rwanda. Ce projet d’extraction du gaz méthane au lac Kivu aidera le Rwanda à répondre à ses besoins en énergie tout en réduisant sa dépendance envers les pays voisins exportateurs. La ressource en méthane pourrait produire environ 700 MWe d’électricité pendant 50 ans. De plus, l’extraction du gaz méthane va réduire le risque potentiel d’éruption du lac.

La première phase du projet Kivuwatt consistera à extraire du lac Kivu 25 MW de gaz méthane. Celui-ci sera traité et pompé à terre pour une utilisation dans une centrale électrique au moyen d’un pipeline immergé flottant. La Phase II comprend l’agrandissement des installations destinées à la phase I pour produire un supplément de 75 MW. Il est prévu qu’au moins 250 emplois seront créés pendant la construction, dont environ 200 emplois locaux.

Bref, le lac Kivu ne va pas exploser. Oui des risques existent, mais on le surveille de près. Si vous visitez Gisenyi, Kibuye ou Cyangugu, vous pourrez nager sans crainte dans le lac kivu.

Pour en savoir plus consulter le site www.lakekivu.org

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